Désormais les distributeurs de produits d’assurance devront, entre autres obligations, conserver les enregistrements des communications passées dans le cadre du démarchage téléphonique.
En effet, le 1er avril 2022 sont entrés en vigueur les articles L112-2-2, IV et R112-7 du Code des assurances, créés par la loi du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement et le décret du 17 janvier 2022 relatif au démarchage téléphonique en assurance.
Ces nouveaux textes encadrent le démarchage téléphonique en matière de produits d’assurance et prévoient des obligations renforcées pour les distributeurs dans le cadre des communications téléphoniques avec les souscripteurs ou adhérents éventuels.
Il convient de noter que la mise en œuvre pratique de ces nouvelles dispositions soulèvera sans doute de nombreuses questions quant à l’articulation des délais et des exigences en termes d’information et de destruction des enregistrements d’appels.
Quelles sont les nouvelles démarches à mettre en œuvre dans le cadre du démarchage téléphonique en matière de produits d’assurance ?
Mathias Avocats vous présente le champ d’application des nouveaux textes et les principales règles applicables aux distributeurs.
Quels sont les objectifs ?
Comme indiqué dans le communiqué de presse du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, ce nouveau cadre a notamment pour objectifs de :
- Assurer l’information et la protection des droits des consommateurs, notamment compte tenu de la complexité des produits d’assurance,
- « Responsabiliser l’ensemble des acteurs impliqués dans la chaîne de distribution (assureur, distributeur direct ou grossiste) »,
- Doter les autorités de contrôle des moyens de sanctionner les pratiques abusives, à savoir l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).
Quels sont les appels téléphoniques concernés par les enregistrements ?
Les obligations incombant aux distributeurs de produits d’assurance s’appliquent uniquement aux appels téléphoniques :
- Initiés par le distributeur de produits d’assurance, lorsque le souscripteur ou l’adhérent éventuel n’a pas sollicité l’appel ou a consenti à être appelé (appels initiaux ou appels de relance après communication d’une proposition commerciale),
- En l’absence de relation établie entre le distributeur et le souscripteur ou l’adhérent par un contrat en cours.
Les appels passés auprès de souscripteurs ou adhérents ayant sollicité ou préalablement consenti à ces derniers ne sont pas soumis à cette nouvelle réglementation. C’est également le cas des appels passés à des clients disposant d’un contrat en cours d’exécution (articles L.112-2-2-V et R.112-7 -III du code des assurances).
Il convient de noter que les distributeurs doivent conserver et archiver pendant deux ans les pièces permettant de justifier du bénéfice de ces exonérations, à savoir les preuves de la sollicitation émanant du souscripteur ou adhérent (notamment, la date et l’heure de la sollicitation), ainsi que celles de la fourniture des informations en vue de son accord exprès à être appelé.
Par ailleurs, l’article R. 112-7-III du code des assurances définit le « contrat en cours » et précise les cas dans lesquels un appel ne peut être regardé comme ayant été sollicité ou consenti, à savoir :
- Le souscripteur ou l’adhérent n’a pas été informé avant l’appel sollicité de l’identité du distributeur et, le cas échéant de son numéro d’immatriculation,
- L’appel intervient plus de trente jours suivant la date de sa sollicitation par le souscripteur ou l’adhérent,
- Lorsque le souscripteur ou l’adhérent n’a pas engagé, avant l’appel téléphonique, de démarche expresse afin de solliciter l’appel ou consentir expressément à être appelé,
- Si le consentement s’est manifesté au cours d’un appel téléphonique non-sollicité ou s’il résulte d’une mention pré-rédigée par laquelle le souscripteur ou l’adhérent reconnait avoir sollicité ou consenti à l’appel.
Quelles sont les principales obligations des distributeurs en matière de démarchage téléphonique ?
Les nouveaux articles du code des assurances prévoient des obligations à la charge des distributeurs. Elles sont destinées à assurer l’information et l’accord des souscripteurs ou adhérents éventuels aux contrats conclus, ainsi qu’à vérifier le respect de ces obligations par les autorités compétentes.
Obligation d’information
Tout distributeur de produits d’assurance est tenu d’informer le souscripteur ou l’adhérent éventuel au début de l’appel :
- de l’enregistrement de l’appel et de sa conservation, pendant une durée de deux ans, en cas de conclusion d’un contrat d’assurance,
- de son droit d’obtenir une copie de l’enregistrement, et
- de l’arrêt de la communication téléphonique si le souscripteur ou l’adhérent ne souhaite pas être enregistré.
Obligation de recueil de l’accord préalable et explicite
A la suite de l’information des souscripteurs ou adhérents éventuels, le distributeur doit recueillir l’accord explicite de ces derniers, tant à la poursuite de communication qu’à l’enregistrement de l’appel.
Il convient de noter qu’en cas de refus de la proposition commerciale formulée au téléphone ou en l’absence d’intérêt du souscripteur ou adhérent à cette dernière, le distributeur doit mettre fin sans délai à l’appel et s’abstenir de le contacter à nouveau.
Obligation de conserver les enregistrements
Les distributeurs de produits d’assurance sont tenus d’enregistrer et de garantir la traçabilité de toutes communications téléphoniques intervenues avant la conclusion d’un contrat d’assurance pendant une durée de deux ans. Les enregistrements doivent être conservés dans des conditions garantissant leur intégrité et leur sécurité et ce, afin d’éviter tout accès, utilisation et/ou modification non-autorisés.
En outre, les enregistrements doivent être maintenus dans une forme et un format exploitables, de façon à ce qu’ils puissent être écoutés, copiés et exportés à la demande des autorités et/ou personnes concernées.
Obligation de destruction des enregistrements
Dans les cas suivants, l’enregistrement doit immédiatement être détruit par le distributeur :
- le souscripteur ou l’adhérent s’oppose explicitement à la poursuite de la communication ou à l’enregistrement,
- le souscripteur ou l’adhérent refuse expressément la proposition commerciale ou ne manifeste aucun intérêt pour cette dernière.
Lorsque le souscripteur ou l’adhérent n’a pas donné de réponse favorable à la proposition commerciale, l’enregistrement doit être détruit dans un délai d’un mois à compter de cette dernière.
En tout état de cause, lorsqu’un contrat d’assurance est conclu entre un souscripteur ou adhérent et un distributeur, les enregistrements doivent être conservés pendant deux ans après sa signature.
Interdiction de rappel
Il convient de noter que le distributeur doit s’abstenir de rappeler un souscripteur ou un adhérent :
- en l’absence d’accord explicite pour la poursuite de la communication,
- en cas de refus de la proposition commerciale ou en l’absence d’intérêt pour cette dernière.
En revanche, il semble donc que le distributeur puisse rappeler un souscripteur ou un adhérent tant que le délai d’un mois à compter de la date de la proposition commerciale n’a pas été expiré. Il devra toutefois enregistrer l’appel puisque celui-ci n’a pas été sollicité.
Qui peut avoir accès aux enregistrements ?
L’accès aux enregistrements est réservé aux agents de l’ACPR et à ceux de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dès lors qu’ils en font la demande. A ce titre, les agents sont habilités à demander toutes pièces justificatives permettant de démontrer le respect des bonnes pratiques de démarchage téléphonique par les distributeurs.
Le souscripteur ou l’adhérent peut quant à lui demander à tout moment, dans un délai de deux ans suivant l’appel, une copie de l’enregistrement.
A ce titre, l’accès à l’enregistrement permet notamment au souscripteur ou adhérent de rapporter la preuve d’un manquement par le distributeur à ses obligations en cas de litige relatif à la conclusion ou l’exécution du contrat d’assurance.
Que retenir ?
Il convient de souligner que le contrat d’assurance ne pourra pas être signé par téléphone ni conclu avant l’expiration d’un délai de vingt-quatre heures à compter de la réception des documents et informations liées au contrat (par exemple, fiche d’information sur le prix et les garanties, notice d’information sur le contrat, etc.).
Il convient en outre de rappeler que l’encadrement renforcé du démarchage en matière de produits d’assurance s’inscrit dans l’action de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) visant à accompagner les acteurs du secteur des assurances dans leurs obligations et à en contrôler le respect.
De surcroît, la prospection commerciale fait partie des axes stratégiques de contrôle de la Cnil pour l’année 2022.
Outre les sanctions pouvant être prononcées par la Cnil en cas de non-respect des obligations relatives à la protection des données à caractère personnel par les distributeurs des produits d’assurance, un manquement aux obligations des articles L.112-2-2 et R.112-7 du codes des assurances constitue une contravention de 5ème classe, sanctionnée d’une amende d’un montant maximal de 1500 euros, ou 3000 euros en cas de récidive.