Dans un arrêt du 16 octobre 2018, la Cour d’appel de Paris a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) relative au régime de responsabilité dont relève le non-respect des obligations contractuelles imposées dans le cadre d’une licence de logiciel.
Quels sont les faits ?
La société IT Development avait consenti une licence à la société Free Mobile sur un progiciel dénommé ClickOnSite. Ce logiciel de gestion de projet centralisé devait permettre à sa cliente d’organiser et de suivre en temps réel l’évolution du déploiement de l’ensemble de ses antennes de radiotéléphonie par ses équipes internes et externes.
Après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon, IT Development a engagé une action à l’encontre de la société Free Mobile, estimant que les modifications qu’avait réalisées cette dernière sur le logiciel licencié constituaient des manquement au contrat de licence et donc une contrefaçon. En l’espèce, les modifications réalisées consistaient en la création de nouveaux formulaires.
Quelle est la décision du TGI de Paris ?
Dans un jugement en date du 3 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que la demande de la société IT Development était irrecevable.
En effet, selon la juridiction, elle ne pouvait agir sur le fondement de la contrefaçon tout en reprochant à la société Free Mobile le non-respect de ses obligations contractuelles.
Plus précisément, la société IT Development aurait dû exercer une action en responsabilité contractuelle et non une action fondée sur la responsabilité délictuelle dont relève la contrefaçon.
Cette dernière a donc interjeté appel du jugement et, à titre préliminaire, a demandé à ce qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
Le non-respect d’un contrat de licence de logiciel peut-t-il être qualifié de contrefaçon ou bien relève-t-il du régime de la responsabilité contractuelle de droit commun ?
Voici un résumé de la question préjudicielle posée par la Cour d’appel de Paris à laquelle la CJUE devra répondre.
Pourquoi cette question préjudicielle ?
Comme le rappelle la Cour d’appel, le principe du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle s’applique en droit français. Cela implique que la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle ne peuvent être engagées pour les mêmes faits.
Cela implique également que, en présence d’un contrat, la responsabilité délictuelle est écartée au profit de la responsabilité contractuelle si le dommage subi par l’une des parties résulte de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’une des obligations contractuelles.
Or, d’après la Cour, « c’est non sans pertinence que la société soutient que la contrefaçon ne serait pas par essence une action délictuelle mais pourrait aussi résulter de l’inexécution d’un contrat ».
Par ailleurs, aucun texte français relatif à la contrefaçon ne prévoit que celle-ci peut être invoquée uniquement et seulement si les parties ne sont pas liées par un contrat.
En revanche, en droit des marques ou en droit des brevets, il est expressément prévu que l’action en contrefaçon peut être exercée lorsque le licencié n’a pas respecté les limites posées par le contrat de licence.
En droit d’auteur, et plus particulièrement concernant le droit d’auteur portant sur les logiciels, une incertitude demeurait. Cela avait notamment mené à des interprétations différentes selon les juridictions.