Extrait de l’article « Les frontières : obstacles à l’obtention des preuves ? »
Écrit par Garance Mathias – Paru dans Global Security Mag (n°027)
Les rapports entre le monde numérique et le monde juridique peuvent être complexes, d’autant plus lorsque l’on sait qu’Internet est souvent considéré, à tort, comme étant une zone de non-droit.
Ces deux dernières décennies, le monde criminel a connu une évolution similaire à celle du monde économique. Les activités criminelles ont en effet été facilitées par l’internationalisation des marchés financiers et l’émergence des nouveaux modes de commerce et d’échange d’informations.
Les criminels peuvent organiser leurs activités dans un pays, commettre leurs crimes dans un autre, vendre les produits de ces crimes dans plusieurs autres et, enfin, dépenser leurs gains dans un autre Etat. Aujourd’hui, le crime organisé se joue des frontières comme si elles n’existaient pas. Ce n’est pas le cas pour les services de police et de gendarmerie qui, eux, sont confrontés à ces frontières.
Une preuve parfois difficile à apporter dans le cadre de la cybercriminalité
La coopération judiciaire pénale interétatique est nécessaire pour éviter que l’existence des frontières et le principe de la territorialité ne perturbent le bon fonctionnement de la justice pénale.
Ainsi, tout type d’attaque informatique est susceptible de déclencher l’application de différents textes juridiques nationaux ou internationaux. Il n’existe donc pas de vide juridique dans le cyberespace. En revanche, il est parfois difficile de rapporter la preuve.
Les méthodes traditionnelles d’assistance mutuelle semblent être inadaptées à cette organisation particulière du crime. Ainsi, de longues années peuvent s’écouler avant de collecter toutes les informations et preuves nécessaires, de les transmettre dans un autre pays ; ce qui allonge d’autant plus les procédures. Or, l’obtention des preuves numériques nécessite une réactivité qui semble incompatible avec la lenteur inhérente aux coopérations interétatiques en la matière.
Il est donc nécessaire de déterminer avec précision le cadre de coopération dans lequel on évolue afin de savoir quel est l’instrument qui s’applique.
Des Conventions qui ne suffisent pas face aux frontières
En matière de cybercriminalité, le Conseil de l’Europe aide à protéger, au niveau mondial, les sociétés contre le cyber crime par le biais de la Convention sur la cybercriminalité (dite aussi de Budapest) signée le 23 novembre 2001.
La Convention est le premier traité international sur les infractions pénales commises via l’Internet et d’autres réseaux informatiques, traitant en particulier des infractions portant atteinte aux droits d’auteurs, de la fraude liée à l’informatique, de la pornographie enfantine, ainsi que des infractions liées à la sécurité des réseaux.
Au niveau international, la Convention de La Haye du 18 mars 1970 organise la communication entre Etats contractants de preuves situées à l’étranger dans le cadre de procédures judiciaires nationales. Cette convention prévoit ainsi dans son article 1er qu’« en matière civile ou commerciale, l’autorité judiciaire d’un Etat contractant peut (…) demander par commission rogatoire à l’autorité compétente d’un autre Etat contractant de faire tout acte d’instruction, ainsi que d’autres actes judiciaires (…) ».
Néanmoins, les méthodes d’assistance mutuelle entre Etats doivent être améliorées car aujourd’hui encore, les frontières semblent protéger les délinquants tout en empêchant les services de police et de gendarmerie de mener à bien leurs enquêtes…