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Modifications imposées unilatéralement par les éditeurs de logiciels : le cas Broadcom/VMware
12 juin 2024

L’acquisition de VMware, le spécialiste de la virtualisation, par Broadcom en novembre 2023 a déclenché un véritable séisme dans le monde du numérique. Ce changement de direction, avec une nouvelle politique commerciale, a entraîné des conséquences juridiques importantes pour les clients existants. En effet, la modification unilatérale des conditions de licence par VMware et la résiliation de contrats existants soulèvent des questions juridiques majeures.

Il convient de s’interroger sur les recours juridiques envisageables face à ces décisions d’entreprise pouvant mettre en péril les stratégies numériques de nombreuses organisations.

La modification unilatérale des conditions de licence

Depuis le rachat par Broadcom, VMware a procédé à des modifications unilatérales de ses conditions de licence, imposant un passage à un modèle de souscription et une obligation de souscrire à un ensemble de services et ce, indépendamment des besoins spécifiques des clients. De plus, le changement de métriques de facturation, a entraîné une hausse significative des coûts pour les utilisateurs. Cette modification unilatérale des termes contractuels soulève des questions juridiques, tant au regard du respect des engagements contractuels que de la bonne foi dans l’exécution des contrats.

Rappelons que l’article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Par ailleurs, en application du principe du consensualisme, les parties ne peuvent modifier unilatéralement les termes d’un contrat sans l’accord de l’autre partie. L’attitude de VMware est donc critiquable au regard de l’absence de consentement des clients à ces nouvelles conditions.

La résiliation des contrats existants

Pour inciter les entreprises clientes à accepter les nouvelles conditions, VMware a résilié de manière unilatérale de nombreux contrats existants, notamment ceux passés avec ses distributeurs. Ces derniers ont alors dû résilier leurs propres contrats conclus avec les clients finaux, entraînant des risques juridiques et financiers importants (notamment en cas de non-respect des modalités de résiliation). En effet, le non-respect de la durée du préavis, des modalités de sorties du contrat, contreviennent aux pratiques commerciales loyales.

De jurisprudence constante, les juges sanctionnent la rupture brutale des relations commerciales établies. Ainsi, indépendamment de l’insécurité opérationnelle, le risque juridique avec des dommages et intérêts important est bien réel au regard du préjudices subis par les clients et/ou les clients finaux dans le cadre d’une relation avec un distributeur, et ce conformément à l’article L.442-1 du code de commerce.

Le déséquilibre significatif 

Les modifications imposées par VMware, qui n’est pas seulement éditeur de logiciels mais aussi partenaire technologique de ses clients, pourraient s’interpréter comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et les devoirs des parties contractantes. Ce déséquilibre est d’autant plus flagrant qu’aucune alternative n’est proposée au client.

Ainsi, les dispositions de l’article L.442-1 du Code de commerce, qui permettent de contester les pratiques créant un déséquilibre manifeste dans les obligations contractuelles, pourraient être retenues dans le cadre d’une action judiciaire.

Ce déséquilibre significatif est renforcer par l’obligation pour le client de souscrire à un ensemble de services (« bundle ») sans avoir le choix de ces derniers.

Enfin, les entreprises fortement dépendantes de cette technologie de virtualisation, notamment au regard des investissements réalisés, pourraient invoquer l’abus de dépendance économique, voir le caractère léonin de certaines nouvelles stipulations.

En dernier lieu, d’autres arguments juridiques issus du droit des contrat comme le fait que le contrat s’apparente à un contrat d’adhésion avec des clauses non négociables pourraient également être soulevés dans le cadre de l’action judiciaire.

Les bonnes pratiques

Cette situation permet de mettre en lumière la nécessité pour un client d’avoir une vigilance quant à la rédaction de certaines clauses contractuelles, notamment :

· Modalités de résiliation : préciser les délais de préavis, en tenant compte du métier et des besoins opérationnels ; encadrer les motifs de la résiliation et les éventuelles pénalités en cas de résiliation anticipée.

· Conditions financières : préciser les modalités de facturation et les critères de révision des prix, en incluant des mécanismes de contrôle et d’ajustement (y compris une clause de benchmark, etc.).

· Conditions de licence et propriété intellectuelle : définir de manière précise les droits d’utilisation des licences et les conditions de modification de ces droits, en incluant des protections contre les changements unilatéraux.

· Cession et changement de contrôle : préciser les conditions, les délais d’information ainsi que les garanties exigées (maintien en condition opérationnelle, etc.), à tout le moins, jusqu’au terme de la relation contractuelle initiale.

· Réversibilité : encadrer les conditions, les délais ainsi que les modalités techniques (format, documentation afférente, etc.)

En conclusion, les décisions telles que celles prises par VMware soulèvent des questions juridiques et commerciales importantes pour les entreprises utilisatrices. Il est crucial de comprendre les mécanismes juridiques disponibles pour contester ces pratiques et de mettre en place des stratégies contractuelles permettant, en cas de besoin, d’appuyer un recours judiciaire, y compris en référé.

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