La fin de l’accès au registre des bénéficiaires effectifs (RBE) pour le grand public entrera en application en France fin juillet conformément à la décision de la CJUE du 22 novembre 2022.
Ce changement suscite des interrogations quant à son impact sur la transparence financière et les efforts de lutte contre la corruption.
Évolution législative du RBE : de la directive européenne à la loi Sapin II
Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT) dans l’Union européenne, la directive du 20 mai 2015, révisée le 30 mai 2018, avait introduit l’obligation pour les États membres de créer un registre public des bénéficiaires effectifs, c’est-à-dire des personnes physiques qui contrôlent, directement ou indirectement, les sociétés ou toute autre entité juridique. Cette mesure visait à renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en permettant un accès ouvert à ces données sans la preuve d’un “intérêt légitime”, une condition requise dans le passé.
Mis en place par la loi Sapin II en France, le RBE était à l’origine destiné exclusivement aux autorités fiscales et judiciaires. L’ordonnance du 12 février 2020 a élargi son accès au public, tout en se limitant à des informations spécifiques tels que les noms, prénoms, pays de résidence, etc. Ce registre s’est alors révélé utile pour assurer la transparence des mouvements financiers et identifier les véritables propriétaires d’entreprises tout en prévenant la fraude et le blanchiment d’argent.
Défis de la protection des données et de la vie privée
Cependant d’après le Comité européen de la protection des données, CEPD (dans son l’Avis 1/2017 sur la proposition de la Commission modifiant la directive (UE) 2015/849 et la directive 2009/101/CE):
« Les informations sur les bénéficiaires sont (…) des informations précieuses qui peuvent être utilisées de nombreuses façons ; une définition aussi large du concept d’intérêt légitime risque d’encourager les personnes souhaitant accéder à ces informations pour des raisons purement opportunistes. »
Cet avis a mis en lumière les défis suivants : protéger les individus contre leur potentielle exposition à un « risque de profilage » ; et lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, tout en respectant la vie privée et la protection des données à caractère personnel.
La difficulté de concilier ces différentes exigences a conduit en 2019 à deux recours devant le tribunal d’arrondissement du Luxembourg pour limiter l’accès du grand public à des informations personnelles. Ces recours ont donné lieu à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de deux questions préjudicielles afin d’évaluer si ces restrictions étaient conformes au droit à la vie privée et à la protection des données personnelles.
La CJUE a par la suite statué que ces mesures étaient contraires aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui sauvegardent la vie privée et les données personnelles. En conséquence, elle a invalidé les règlements qui imposaient aux États membres de permettre un accès public aux informations sur les bénéficiaires effectifs sans exiger la preuve d’un « intérêt légitime ».
Perspectives futures et accès restreint au RBE
La France s’alignera donc, de façon officielle, sur cette décision dès fin juillet 2024. La Direction Générale du Trésor (DGT) a assuré que la fin de l’accès public au RBE ne signalait pas sa disparition. L’accès restera disponible pour les autorités, les journalistes, les ONG, les chercheurs et toute personne pouvant démontrer un « intérêt légitime » dans le cadre d’une enquête. Ces derniers pourront adresser une demande à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour accéder aux informations du registre.
Comment pouvons-nous vous être utiles ? Mathias Avocats vous accompagne dans le cadre de votre mise en conformité et la gestion de vos risques. Contactez-nous !
Ensemble, développons vos projets et formons vos équipes ! Partageons nos expertises !