Dans son communiqué du 16 mai 2022, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (Cnil) publie des critères d’évaluation de la licéité des cookie walls (ou murs de traceurs), dans l’attente d’une législation européenne ou d’un positionnement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Selon la Cnil, un cookie wall désigne :
« le fait de conditionner l’accès à un service à l’acceptation, par l’internaute, du dépôt de certains traceurs sur son terminal (ordinateur, smartphone, etc.). »
Cnil, « Cookie walls : la Cnil publie des premiers critères d’évaluation », 16 mai 2022
En pratique, lorsque l’internaute accède au site web, une fenêtre de gestion des consentements, également connue sous l’acronyme CMP pour « Consent Management Platform », s’affiche. L’internaute dispose de fonctionnalités lui permettant d’exprimer son choix dont les intitulés peuvent varier : « Tout accepter », « Tout refuser », « Continuer sans accepter », « Paramétrer les Cookies ».
L’internaute qui refuse les cookies, souhaite continuer la navigation sans accepter les cookies ou refuse les cookies publicitaires dans le cadre du paramétrage des cookies qu’il effectue se voit alors proposer une alternative :
- Changer d’avis et accepter les cookies,
- Souscrire, le plus souvent, à un abonnement pour accéder au contenu. Certains acteurs indiquent expressément que l’accès au contenu se fera alors sans publicité. D’autres acteurs restent silencieux sur le sujet.
Quels sont les critères définis par la Cnil ? Qu’est-ce qu’une alternative réelle et satisfaisante d’accéder au contenu en cas de refus des cookies ? Qu’est-ce qu’un tarif raisonnable dans le cadre d’une alternative payante ? L’accès au contenu sans publicité signifie t-il pour autant qu’aucuns cookies ne sont utilisés ?
Quels sont les critères d’évaluation des cookie walls ?
La Cnil expose les critères d’évaluation des pratiques de cookie walls et de pay walls au moyen de plusieurs questions, à savoir :
- L’internaute refusant les traceurs dispose-t-il d’une alternative équitable pour accéder au contenu ?
- Lorsqu’une alternative payante est proposée, le tarif est-il raisonnable ?
- Un cookie wall ou un pay wall peut-il conduire à systématiquement imposer à l’internaute l’acceptation de l’intégralité des traceurs ?
- Lorsque l’internaute choisit l’accès payant au contenu, sans consentir aux cookies, quels sont les cas limités dans lesquels des traceurs peuvent être utilisés ?
Rappelons qu’en septembre 2020, à la suite d’une décision du Conseil d’Etat, la Cnil avait modifié sa position initiale consistant à se positionner en faveur d’une interdiction générale des cookie walls dans ses lignes directrices. Elle affirmait alors que la licéité de cette pratique devait être évaluée au cas par cas, sans toutefois établir de critères d’appréciation.
C’est chose faite !
En cas de refus des traceurs : quelles alternatives proposer ?
Dans le cadre de l’appréciation de la licéité d’un cookie wall, la Cnil recommande aux éditeurs de proposer une alternative aux internautes, qualifiée de « réelle et équitable », afin qu’ils puissent accéder au site sans avoir à consentir à l’utilisation de leurs données dans le cadre du dépôt de traceurs.
A cet égard, il y a lieu de souligner que, avec l’accompagnement de la Cnil, certains acteurs ont développé un bouton « Continuer sans accepter » mis à la disposition des internautes au sein des CMP.
Ce bouton apparait pouvoir constituer une alternative réelle et équitable, bien que ces termes n’aient pas été précisément définis. En effet, en pareil cas, les internautes peuvent, de manière effective, consulter et naviguer sur le site web ou l’application mobile sans avoir consenti à l’usage de traceurs.
Dans l’hypothèse où l’éditeur n’opte pas pour une telle alternative et qu’il conditionne l’accès au site et au contenu à l’acceptation des traceurs, la Cnil précise que :
» (…) l’éditeur devra être en mesure de démontrer, notamment à la CNIL, qu’un autre éditeur propose une telle alternative sans conditionner l’accès à son service au consentement de l’utilisateur au dépôt de traceurs, c’est-à-dire sans cookie wall. »
Cnil, « Cookie walls : la Cnil publie des premiers critères d’évaluation », 16 mai 2022
Cette exigence interroge dans la mesure où l’objectif, les conclusions tirées et les conséquences d’une telle démonstration ne sont pas explicités par l’autorité de contrôle.
En revanche, l’éditeur devra veiller à ce qu’il n’y ait pas de déséquilibre entre lui et les internautes. L’évaluation de la licéité de la pratique du cookie wall sera vraisemblablement défavorable à l’éditeur en cas de constat d’un tel déséquilibre caractérisé, par exemple, par une complexité d’accès à l’alternative à l’acceptation des traceurs (plusieurs clics nécessaires pour y accéder, police d’écriture freinant la facilité de lecture, etc.).
Le déséquilibre sera encore caractérisé selon la Cnil en cas d’exclusivité de l’éditeur sur les contenus ou services proposés (téléservice de l’administration par exemple) ou lorsque l’internaute n’a que peu ou pas d’alternatives au service (fournisseurs de services dominants ou incontournables). L’autorité de contrôle instaure ainsi une différence d’appréciation de la pratique du cookie wall selon l’acteur qui le mettra en œuvre et sa position sur le marché auquel le service proposé est rattaché. Ce critère d’appréciation ne manquera pas d’alimenter les réflexions.
Alternative payante au cookie walls : attention au tarif
Il résulte de la communication de la Cnil que :
« Le fait, pour un éditeur, de conditionner l’accès à son contenu, soit à l’acceptation de traceurs contribuant à rémunérer son service, soit au paiement d’une somme d’argent, n’est pas interdit par principe puisque cela constitue une alternative au consentement aux traceurs. »
Cnil, « Cookie walls : la Cnil publie des premiers critères d’évaluation », 16 mai 2022
Dans ce contexte, il convient d’abord de souligner que les traceurs contribuant à rémunérer son service devront être identifiés et documentés par l’éditeur. Toutefois, les traceurs de publicité ciblée sont principalement visés compte tenu de l’économie qu’ils génèrent (diffusion de publicités, vente et achat d’espaces publicitaires en ligne et dans les applications mobiles, etc.).
S’agissant du recours à une alternative payante, la Cnil prend le soin de préciser qu’il ne lui appartient pas de fixer le seuil en dessous duquel un tarif peut être considéré comme raisonnable. Là encore, l’analyse au cas par cas est de mise. Toutefois, en l’espèce, le critère d’évaluation réside dans le caractère raisonnable du tarif pratiqué par l’éditeur. Enfin, l’autorité de contrôle se positionne en faveur d’une transparence en encourageant les acteurs à publier l’analyse qu’ils réalisent pour conclure à la satisfaction de ce critère.
En pratique, les acteurs ont développé un système d’abonnement. Selon les cas, les éléments suivants pourraient être pris en compte par les éditeurs : étendue de l’accès (limité, illimité) auquel la contrepartie financière donne droit, récurrence du paiement (mensuel, annuel)), lien entre la contrepartie et la rémunération du service fourni, nombre d’accès, d’utilisateurs ou de terminaux autorisés, etc.
Des cookies même si l’internaute choisit la contrepartie financière ?
La Cnil répond par l’affirmative à cette question même si elle indique qu’en principe aucuns cookies soumis au consentement ne devraient être déposés sur le terminal de l’internaute ayant opté pour l’alternative proposée par l’éditeur.
En effet, l’autorité de contrôle veillant sans doute à ne pas formuler de nouvelle interdiction générale, précise qu’un consentement pourrait ponctuellement être demandé à l’internaute lorsque les traceurs sont imposés pour accéder à un contenu hébergé sur un site tiers (visionnage de vidéos par exemple) ou fournir un service demandé par l’internaute (boutons de partage sur les réseaux sociaux).