Aujourd’hui, un grand nombre de ressources informatiques sont librement accessibles et réutilisables : briques de codes, scripts, librairies, voire logiciels entiers et fonctionnels. L’élaboration de nombreux logiciels, parfois très renommés, passe par le recours à ces ressources qui accélèrent et facilitent le développement d’applications nouvelles.
Toutefois, l’utilisation de briques de code source ou de librairies logicielles préexistantes entraîne des obligations, et y déroger peut être sanctionné. Ces obligations varient selon que la licence attachée au logiciel ou à la librairie est une licence dite libre ou une licence dite open source.
Mathias Avocats fait le point sur ces deux types de licences et sur les droits et obligations qui y sont attachés.
Le logiciel libre face à l’Open source
Derrière la notion de logiciel libre, on retrouve une certaine philosophie. Ses partisans prônent la liberté de l’utilisateur d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer les logiciels qu’il utilise. Ils s’opposent aux licences classiques attachées aux logiciels, les licences dites « propriétaires », qui restreignent les usages qu’un utilisateur peut faire d’un logiciel et ne lui donnent pas accès à son code source. Pour les partisans du logiciel libre, l’utilisateur doit pouvoir jouir par défaut de ces libertés sur tout logiciel qu’il a licitement acquis (voir le site du système d’exploitation GNU).
Les partisans de l’Open source ont une vision différente, plus ouverte à l’égard des licences propriétaires. L’Open Source Initiative, une association californienne, définit l’Open Source comme « une méthode de développement logiciel qui exploite la puissance de l’évaluation décentralisée par les pairs et de la transparence des processus ». L’Open Source apporte ainsi la promesse d’une « meilleure qualité, une plus grande fiabilité, davantage de flexibilité, un moindre coût ». Partager le code source d’un logiciel et en permettre la modification par l’utilisateur est ici vu comme la meilleure méthode pour concevoir un logiciel performant : il s’agit d’un moyen et non d’une fin.
Il est important de noter qu’aucune de ces deux positions n’excluent qu’un logiciel soit distribué à titre onéreux. Comme l’indique un adage, il s’agit de logiciel libre au sens de liberté, et non au sens d’entrée libre (« free as in free spech, not free as in free beer »).
La conséquence de ces points de vue divergents se fait sentir au sein des licences attachées aux logiciels libres ou open source.
Des points communs…
Avoir recours à un logiciel libre ou open source suppose en principe les avantages suivants :
- Tous les types d’usage du logiciel sont permis à tous les utilisateurs, ce qui inclut les usages à titre commercial ;
- Le logiciel est fourni avec son code source ou a minima permet sur demande l’accès au code source ;
- Le logiciel peut être modifié, adapté, disséqué, en tout ou partie, et ce, librement ;
- Le logiciel peut être installé sur un nombre illimité de postes ;
- Ces libertés permettent d’accélérer le développement de nouveaux logiciels : les programmeurs peuvent reprendre des morceaux de code source et les intégrer dans le code source du nouveau logiciel ;
- Il est possible de redistribuer le logiciel, original ou modifié, à titre gratuit ou à titre onéreux ;
- Les modifications et les évolutions sur le code source du logiciel sont librement accessibles et consultables ;
- Etc.
Il convient également d’être prudent. Rien n’empêche l’auteur d’un logiciel d’élaborer sur mesure la licence de son logiciel et de la qualifier d’open source ou de libre, alors qu’elle ne présente pas en réalité toutes les caractéristiques et libertés exigées par les partisans de l’une ou l’autre type de licence. On peut trouver attaché à des logiciels prétendument open source des licences qui excluent par exemple tout usage commercial, toute redistribution onéreuse, toute redistribution, etc.
Pour connaître l’étendue des possibilités offertes par chaque licence, la meilleure option reste donc de l’analyser.
… et des différences majeures
Les obligations liées à l’utilisation d’un logiciel libre ou d’un logiciel open source varient drastiquement. Il faut donc faire preuve de la plus grande vigilance en cas de réutilisation d’un logiciel dont le code source est mis à disposition librement, et examiner sa licence.
Les licences attachées aux logiciels open source sont dites « permissives ». Dans la majorité des cas, elles ne contraignent l’utilisateur qu’à respecter des obligations mineures, comme celle de respecter la paternité de l’œuvre (mention de l’auteur original du code). Certaines permettent même de changer la licence portant sur le logiciel initialement open source : il est alors possible de le redistribuer sous une licence propriétaire, c’est-à-dire ne donnant pas les mêmes libertés que celles vues ci-dessus.
Les licences attachées aux logiciels libres sont beaucoup plus contraignantes. Leurs détracteurs les qualifient de « licences contaminantes ». En effet, à partir du moment où une partie de ces logiciels est utilisée dans le développement d’un autre logiciel, ce dernier devra nécessairement être placé sous une licence libre similaire. On parle alors d’obligation de réciprocité : le nouveau code source ou le code source modifié devra être rendu accessible, ses utilisateurs pourront eux-mêmes en faire une utilisation commerciale, etc. Toute stipulation contraire serait nulle.
Certains développeurs s’affranchissent des cadres officiels des licences libres ou des licences open sources et proposent leurs propres licences. Il est ainsi possible que certains logiciels qualifiés de « libres » soient l’objet d’une licence qui en empêche la réutilisation à titre commercial, ou qui empêche que des entreprises d’un certain domaine ne s’en servent. Etudier attentivement la licence est donc une étape incontournable et préalable à toute utilisation du logiciel.
Les licences libres ou Open source, un atout commercial ?
Appliquer des licences libres ou open source à ses logiciels et applications ne signifie pas aller à l’encontre de tout intérêt commercial.
L’utilisation de licences classiques, dites propriétaires, permet de protéger plus strictement sa création. Mais les licences libres ont leurs avantages. Tout d’abord, libre ne signifie pas gratuit : il est dès lors tout à fait possible de commercialiser un logiciel tout en lui attribuant une licence libre.
De plus, il est possible de ne pas avoir à une licence open source ou libre officiellement approuvée, et de définir les droits donnés aux utilisateurs sur le code source du logiciel de manière plus restrictive. On peut ainsi envisager d’écarter la possibilité pour l’utilisateur de réutiliser tout ou partie du logiciel dans un but commercial, d’en redistribuer des versions modifiées à titre onéreux, etc.
Google, béhémoth qui n’est plus à présenter, a bâti nombre de ses projets sur un modèle open source, le plus connu restant Android. Cela lui a donné un avantage compétitif suffisant pour conquérir le marché des systèmes d’exploitation pour smartphones. Microsoft, depuis quelques années, a aussi opté pour l’Open source, en ouvrant les codes sources de certains de ses produits et en contribuant régulièrement au noyau Linux.
Ouvrir le code source de son logiciel, c’est profiter d’une communauté de développeurs cherchant bénévolement à en corriger les défauts et à l’améliorer. C’est également toucher un public plus large, une communauté étendue d’utilisateurs. La promotion de l’Open Source peut être un argument marketing, positif pour l’image de marque.
Il s’agit donc d’une option à garder en tête au moment de se pencher sur la question de la protection juridique de son logiciel.