Le 8 février 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt mettant en lumière la notion de mauvaise foi appliquée au dépôt d’une marque verbale communautaire. La haute juridiction a également rappelé comment la renommée d’une marque devait être appréciée (Cass. com., 8 février 2017, n°14-28.232).
Mathias Avocats se propose de revenir à cette occasion sur la protection de la marque verbale communautaire et sur celle de la marque renommée.
La marque verbale jouit-elle d’une protection spécifique ?
Une marque est un signe qui permet de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux de ses concurrents. Cette marque peut prendre différentes formes, dont celle de la marque dite verbale. Cette dernière est définie par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle comme « représentée au moyen de mots, de lettres, de chiffres ou de tous autres caractères susceptibles d’être tapés à la machine. ».
Pour être protégée, une marque verbale doit, comme toute marque, faire l’objet d’un dépôt. Précisons que le dépôt vise des catégories de produits et services, nommées classes et issues de la classification de Nice.
La marque est dite communautaire lorsqu’elle est déposée pour le territoire de l’ensemble de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Un dépôt de marque peut-il être réalisé de mauvaise foi ? Oui : l’article L712-6 du Code de la propriété intellectuelle l’évoque pour la marque française, et l’article 52 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire en fait une cause de nullité absolue de la marque communautaire.
Cependant, ces textes ne précisent pas en quoi cette mauvaise foi peut consister. Dans ce contexte, il appartient au juge de trancher cette question au cas par cas.
L’arrêt de la Cour de cassation précité illustre un cas dans lequel la mauvaise foi du déposant a été retenue. En l’espèce, les juges de la Cour d’appel avaient relevé que la société Christian Lacroix avait déposé sa marque verbale communautaire après que sa contradictrice lui ait opposé son absence de titularité d’une marque communautaire pour la classe revendiquée. Les juges y ont ainsi vu une marque de mauvaise foi de la société déposante qui n’avait procédé audit dépôt « non pas pour distinguer les produits en identifiant leur origine, mais pour [lui] permettre de l’opposer dans le cadre [d’une action en contrefaçon] ». Par suite, ils avaient prononcé la nullité de la marque communautaire litigieuse, nullité que la Cour de cassation n’a pas remise en cause.
La marque verbale bénéficie du même régime de protection que les autres formes de marques. Une fois le dépôt initial effectué, la marque accorde un monopole d’exploitation sur le territoire pour lequel elle a été déposé pendant une période de 10 ans renouvelable.
Cependant, la protection de la marque verbale ne s’étend qu’aux produits ou services désignés dans l’enregistrement de la marque. cette marque ne bénéficie donc pas d’une protection spécifique. Ce n’est pas le cas de la marque renommée qui permet à son titulaire de bénéficier d’une protection étendue.
Quelle est l’étendue de la protection accordée à la marque renommée ?
Le Code de la propriété intellectuelle ne définit pas la marque renommée. Toutefois, le juge a pu indiquer qu’une marque est renommée lorsqu’elle « est connue d’une partie significative du public concerné par les produits et services pour la désignation desquels elle a été enregistrée » (Cour d’appel de Paris, 11 mars 2011).
Lorsque la marque est renommée, la protection dont elle jouit s’étend aux produits ou services non similaires à ceux spécifiés dans le dépôt d’enregistrement.
Dans ce contexte, la reproduction ou l’imitation de ladite marque est susceptible d’engager la responsabilité de l’auteur des actes de reproduction ou d’imitation si :
- l’utilisation faite du signe est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou,
- les actes précités constituent une exploitation injustifiée de la marque.
L’enjeu est donc de parvenir à identifier la marque renommée. Comment la renommée est-elle évaluée ?
La renommée de la marque s’apprécie à la date d’exploitation du signe litigieux. Il s’agit notamment d’identifier quelle connaissance le public à de la marque dont la renommée est revendiquée.
A titre d’illustration, dans l’arrêt précitée, la Cour d’appel de Paris précise que « pour être qualifiée de renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits et services pour la désignation desquels elle a été enregistrée; qu’afin d’apprécier cette connaissance, il convient de prendre en compte tous les éléments pertinents et, notamment, la part de marché détenue par la marque ou des études effectuées auprès du public au moment des faits incriminés ».
Toujours à titre d’illustration, dans l’arrêt rendu le 8 février dernier, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel ayant écarté la renommée de la marque Christian Lacroix en relevant plusieurs éléments :
- les sondages réalisés avaient révélé que la renommée de la marque Christian Lacroix tenait à son activité dans le domaine de la haute couture et à sa collaboration avec le créateur de mode, faits antérieurs au litige.
- la cessation de l’activité haute couture de la société depuis 2009.
- la réorientation de l’activité de la société Christian Lacroix vers l’exploitation de licence de marques ainsi que la production d’accessoires et de lingerie.
- le chiffre d’affaires généré à 95% par les licences de marques exploitées pour la commercialisation de produits à l’étranger.
- l’absence de justification des investissements consacrés à la promotion de la marque.
Soulignons enfin que l’adoption du « Paquet Marque » en décembre 2015 a conduit à une évolution du droit des marques ainsi qu’à la modernisation des procédures à suivre. Dans ce contexte, les marques de votre société sont susceptibles d’être impactées.
Mathias Avocats se tient à votre disposition pour vous conseiller dans les démarches relatives à la protection de votre patrimoine immatériel.