Tags, fresques, collage, mosaïques, graffitis, « L.A.S.E.R Tags » ou « drones paintings », l’art urbain ou street art est multiple. Il se matérialise par des formes d’expression qui évoluent au gré des innovations technologiques lui permettant de se réinventer.
Ce mode d’expression se réalise sur des supports divers, publics ou privés, appartenant à autrui.
Dans ce cadre, la question se pose de déterminer si l’illégalité dénie toute protection par le droit de la propriété intellectuelle à ce qui est a été créé.
Ainsi, le street art entretient-il des relations complexes avec le droit d’auteur, du fait de l’illégalité dans laquelle il naît, même s’il est à noter que la licéité d’une œuvre ne figure pas au nombre des conditions de protection du droit d’auteur.
La pratique du street art peut donner lieu à l’application du droit pénal à l’encontre des artistes qui le pratiquent. Toutefois, il s’agit également de l’exercice d’une liberté fondamentale d’expression et de la libre création artistique.
Une condamnation du street art par le droit pénal
La destruction, la dégradation ou la détérioration du bien d’autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger (article 322-1 du Code pénal). Ce texte vise à protéger le propriétaire du support matériel sur lequel l’artiste a apposé son travail. Dès lors, il peut agir contre ceux qui altèrent la substance de son bien ou le dégrade.
Pour que cette infraction soit constituée, le bien doit avoir subi une dégradation effective d’une certaine gravité portant atteinte à sa substance. A défaut, la qualification de l’alinéa 2 de l’article 322-1 du Code pénal est plus adaptée en ce qu’elle condamne un dommage plus léger.
Ce texte prévoit que « le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain » est puni d’une amende de 3 750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général « lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger ». Ainsi, cette infraction est plus limitée quant aux biens visés et quant à l’acte incriminé. Il peut viser, selon les situations, les graffitis et les tags.
Ainsi, un artiste urbain a t-il été condamné à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir tagué le matériel de la RATP. La Cour de cassation considère que le caractère « prétendument artistique » allégué n’efface aucunement la réalité des dégradations de la propriété d’autrui (Cass. crim., 11 juillet 2017, n°08-84989, n°10-80810, n°16-83588).
Une œuvre illégale est-elle susceptible d’être protégée par le droit d’auteur ?
Afin de jouir d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous sur son œuvre et, comme le droit d’auteur ne protège pas les idées, l’œuvre doit être formalisée et originale pour être protégée. Sur la condition d’originalité, la jurisprudence considère classiquement et de manière constante que l’œuvre doit porter l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Le Tribunal de grande instance de Paris a pu octroyer une protection à des œuvres de l’artiste Space Invader du fait « de la transposition sous forme de carreaux de piscine des pixels du jeu vidéo préexistant », de « la nature des supports urbains des dits carreaux de piscines scellés dans les murs » et du « choix de leurs emplacements », démontrant l’originalité, sans considération de la légalité ou l’illégalité des œuvres (TGI Paris, 3ème ch., 3ème section, 14 novembre 2007).
Outre-Atlantique, la question de la protection d’œuvres, réalisées sur la propriété d’autrui, fait aussi débat. Récemment, le 5Pointz, attraction touristique importante de Long Island contenant les créations de plusieurs artistes, ont été recouvertes de peinture blanche pendant la nuit par le promoteur immobilier. Ce dernier a été condamné, par un juge américain, le 12 février 2018, à verser la somme de 6,75 millions de dollars à 21 artistes en dédommagement de cette destruction, sur le fondement du « Visual Artists Rights Act » qui garantit un droit moral sur les œuvres, même si elles ont été réalisées sur la propriété d’autrui.
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