Comme de nombreux secteurs d’activité, le domaine de la construction voit ses pratiques évoluer grâce au développement du numérique. Depuis quelques années, cette filière est particulièrement marquée par l’essor du « BIM », acronyme signifiant Building Information Modeling.
Qu’est-ce que le BIM ?
Le BIM désigne un ensemble de pratiques et de processus basé sur des outils informatiques. Il s’agit de faire collaborer les différents acteurs d’un chantier de construction à l’établissement et/ou la mise à jour d’une maquette virtuelle en trois dimensions d’un ouvrage, chacun étant amené à communiquer au fur et à mesure des informations et son expertise.
Le BIM regroupe des pratiques et objectifs multiples, qui varient en fonction de l’interopérabilité des outils numériques utilisés, du niveau de collaboration entre les différents intervenants, et du périmètre couvert (conception de l’ouvrage, construction, voire exploitation, maintenance, destruction, etc.). Toutefois, il est globalement possible de dire que la maquette numérique au cœur du BIM doit permettre, en fonction des besoins, de visualiser et mesurer les caractéristiques physiques et fonctionnelles de l’ouvrage à chaque étape choisie. Elle évolue en fonction des données renseignées par chaque acteur au fur et à mesure de l’avancée de la vie de l’ouvrage.
En pratique, il est recommandé qu’un intervenant contrôle et coordonne les interventions de chacun des acteurs. Cet intervenant est communément désigné sous le nom de « BIM Manager ».
Une pratique en pleine expansion
Le recours au BIM permet notamment de rassembler plus efficacement l’ensemble des informations dont disposent les différents intervenants à un chantier, de détecter les éventuels dysfonctionnements plus rapidement et ainsi de prévenir et/ou limiter les contretemps et les retards, ou encore d’avoir une vision plus précise du chantier, de son avancement, et des caractéristiques précises de l’ouvrage. Ces apports bénéficient tant au maître d’œuvre, qui peut plus facilement assurer le suivi des travaux et la coordination des sous-traitants, qu’au maître d’ouvrage qui dispose d’une vision précise de l’avancée du projet et des résultats attendus.
Le gouvernement français s’est saisi de la question depuis plusieurs années, et entend promouvoir le recours au BIM en démocratisant cette pratique. Le 24 juin 2014, la ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité de l’époque, Madame Sylvia Pinel, a lancé une mission sur le numérique appliqué au bâtiment. Après la remise du rapport final, le « Plan Transition Numérique dans le Bâtiment » (PTNB) est annoncé en conseil des ministres. Il s’agit d’un plan sur quatre ans, pensé pour développer les outils numériques dans la filière du bâtiment. La feuille de route du PTNB, publiée en juin 2015, établit notamment pour objectif de généraliser l’usage de la maquette numérique et du BIM.
Dans un rapport d’étape paru en mars 2018, le comité de pilotage détaille les actions menées au titre du PTNB et leur avancement. Pour prendre le relais de ce plan, le gouvernement et les acteurs de la filière du bâtiment ont signé en novembre 2018 le « Plan BIM 2022 », qui prévoit lui aussi des actions sur quatre ans. Il comprend deux axes :
- Généraliser la commande en BIM en établissant un socle commun de définitions et de pratiques, et
- Déployer le BIM dans l’ensemble du territoire en assistant les acteurs dans la mise en place d’un écosystème mature.
A l’heure actuelle, le BIM n’est pas exigé systématiquement dans les marchés publics. Toutefois, le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA) note que l’intégration du BIM est en nette progression dans une étude portant sur les avis de concours publiés entre avril 2016 et février 2018.
Des points de vigilance à prendre en considération
Le PTNB a publié le 20 novembre 2018 un outil d’aide à la rédaction de convention BIM, afin d’aider les professionnels à mieux délimiter le périmètre fonctionnel et technique des prestations en BIM. Toutefois, cet outil ne porte pas sur les aspects juridiques de ces conventions. Si le BIM présente des avantages indéniables pour les acteurs du secteur du bâtiment, il est nécessaire d’être particulièrement vigilant lors de la rédaction des contrats encadrant des prestations de BIM.
Le caractère fortement collaboratif du BIM doit notamment inciter les parties à anticiper la question de la responsabilité en cas de dommage lié à la maquette numérique. Il conviendra ainsi de déterminer l’éventuel étendu du devoir de conseil du BIM Manager, du devoir de surveillance du maître d’oeuvre, des engagements de chaque sous-traitant amenés à contribuer à la maquette numérique, etc.
De même, le grand nombre d’intervenants pouvant accéder à la maquette et y contribuer doit conduire les parties à s’assurer que chacun de ces acteurs est soumis à une obligation de confidentialité appropriée. Chaque intervenant aura intérêt à préserver son patrimoine informationnel (savoir-faire, méthodologie, etc.). De plus, la maquette numérique est susceptible de contenir des informations pouvant être qualifiées de secret des affaires, et qui doivent être protégées.
Les parties au contrat devront également clarifier les droits de propriété matérielle et intellectuelle cédés ou concédés sur la maquette numérique, mais aussi les éléments la composant et les données qu’elle contient, afin de lever toute ambiguïté.
De plus, le BIM implique nécessairement le recours à des outils informatiques. Selon les hypothèses, le BIM pourra par exemple nécessiter une connexion à un Cloud public ou privé. Il pourra alors s’avérer nécessaire d’introduire dans le contrat les éléments présents habituellement dans un contrat de Software as a Service (« SaaS »), tels que des niveaux de service à la mesure de la criticité du logiciel (engagements sur la disponibilité de la solution, sur ses performances, etc.), ou encore des engagements quant à la localisation des serveurs et à la sécurisation des flux de données.
Enfin, si le BIM est par exemple utilisé pour le suivi et/ou la maintenance d’ouvrages connectés (maison connectée, smart city, etc.), il conviendra de prendre en compte la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel et notamment le règlement général sur la protection des données (RGPD).